Anecdote n°1 : des grévistes de Tourcoing et Roubaix se sont lancées dans une compétition particulière en 1936.
Les Archives Nationales du Monde du Travail à Roubaix offrent une exposition gratuite et captivante sur deux siècles de combats contre la pauvreté des travailleur·es, jusqu'au 31 mai 2026. Pour vous donner envie de la découvrir, on a décidé de vous raconter cinq anecdotes insolites découvertes pendant le parcours.
C'est fou ce qu'on peut découvrir comme histoires quand on fouille dans les Archives Nationales du Monde du Travail à Roubaix. Et ce qu'on peut faire comme expo grâce aux documents trouvés.
"Emmaüs et le Secours Populaire nous ont légué une partie de leurs archives, explique Rémi Six, l'un des commissaires de l'exposition "Vivre ou Survivre : travail et pauvreté aux 19e et 20e siècle". Et en faisant le parallèle avec nos fonds, on a trouvé un sujet intéressant : les luttes et les solutions mises en place par les associations, les patrons et les syndicats pendant deux siècles (19e et 20e) face aux conditions de travail catastrophiques et à la vie quotidienne des populations précarisées."
L'expo balaye les clichés sur les chômeurs volontaires (qui font grève) et involontaires.
Crises industrielles, recherche de travail, grèves, logements insalubres, accidents dans les usines... Tout est documenté dans l'expo grâce à un paquet d'archives et d'objets en tout genre, des tracts des syndicats, aux plans de logements HMB (les HLM d'aujourd'hui) en passant par les cartes de chômage et les certificats d'indigence pour les nécessiteux·ses. Et vous allez voir, le lien avec l'actualité est flagrant, même s'il n'est pas explicite.
Pour vous donner envie d'y faire un tour, on vous a sélectionné cinq anecdotes qu'on a apprises pendant l'expo. Vous allez pouvoir briller en société avec ça.
L'expo est visible gratuitement jusqu'au 31 mai 2026.
Qui fera le plus de syndiqué·es ? Roubaix vs Tourcoing
Un peu d'humour dans ce monde de brutes. Lors d'une grève en 1936 (A.K.A le Front Populaire), des ouvriers et ouvrières ont occupé une usine de Roubaix. Et dans une photo prise par un auteur inconnu, on peut lire une affiche "Alerte ! Un défi aux grévistes de Tourcoing : qui fera le plus de syndiqués ?" et le décompte entre les deux villes. "C'est Tourcoing qui a gagné", s'amuse le commissaire.
Photo agrandie pour l'exposition.
Raymond Kopaszweski, le mineur-footballeur
Alala, le foot et le Nord-Pas-de-Calais, c'est une grande histoire d'amour. Au point que les compagnies minières, dans une logique de performance et d'esprit collectif, ont construit pour leurs salariés, des équipements. Ce qui a permis à quelques-uns de se faire une place dans le foot pro... comme Raymond Kopaszewski. Saviez-vous qu'il était apprenti mineur à 14 ans et qu'il a eu une amputation partielle de deux doigts à cause d'un accident de travail ? Nous, non. Mais on l'a découvert grâce à sa fiche individuelle conservée par les ANMT. "On peut y lire son départ des Houillères du Bassin Nord-Pas-de-Calais en juillet 1949, avec cette mention : 'aurait un contrat d'une équipe de football de Lille ou d'ailleurs' ", indique Camille Belair, apprentie muséographe. Bien ouej.
@ANMT
Un quart des ouvrier·es étaient des enfants au XIXe siècle
Pour passer sous les machines et réparer 2-3 bricoles, il fallait des petites mains. Et pour ça il fallait des gamins qui se retrouvaient avec un premier job à 4 ou 5 ans, encore plus mal payé que les salarié·es femmes et immigré·es. Il a fallu attendre 1841 pour que les moins de 8 ans soient interdits de travailler... enfin sur le papier. "C'était loin d'être respecté, car il n'y avait pas ou très peu d'inspecteurs du travail", indique Rémi. Et pour l'interdiction des moins de 16 ans, on a dû attendre 1958.
Brochure de recrutement de la JOC à destination des jeunes travailleurs. @ANMT
Un logement en kit pour les sans-abris
On ne vous apprend rien : l'industrialisation au 19e siècle a nécessité la création de logements pour les ouvrier·es. Et avant qu'une vraie politique de HLM (anciennement HBM) se mette en place, les travailleur·ses vivaient dans des taudis (parfait pour développer des épidémies). Il a fallu attendre l'appel de l'abbé Pierre en 1954 après la mort de froid d'un bébé, pour que la crise du logement post-guerre devienne une affaire d'Etat.
Et pour répondre au besoin urgent des sans-abris, un architecte et designer, Jean Prouvé, a développé un logement en kit (comme pour un meuble Ikéa). L'idée réjouit le grand public mais pas le Centre scientifique et technique du bâtiment. "Le kit est resté au stade de prototype", continue le commissaire d'exposition.
Le kit, resté au stade de prototype @ANMT
Familistère, l'utopie sociale
Ça, c'est notre anecdote préférée. À Guise dans l'Aisne, Jean-Baptiste André Godin qui produisait entre autres les célèbres (et robustes) poêles Godin dans les années 1960, a mis en application son utopie : la Familistère. Son idée : transformer l'entreprise en coopérative dont les bénéfices seraient reversés à tous et toutes, et construire un "palais social" où tout le monde vivrait, qu'importe leur position dans l'usine. "C'était un lieu avec des logements décents, une piscine, une bibliothèque, un jardin-potager, une buanderie commune,... il a même fait en sorte que les enfants des ouvriers soient éduqués et soignés", raconte Camille. Un lieu utopique qui a duré jusqu'en 1968. Et qu'on peut encore visiter aujourd'hui (idée pour l'été).
Banquet de la fête du Travail tenu dans le pavillon central du Familistère, 24 juin 1872, de Gustave Macaire @ANMT
Visites guidées et BD gratuites
On ne vous raconte que ça, mais il y a encore pas mal de choses à apprendre via l'expo. Et si on vous a motivé, sachez qu'il y a des visites guidées (qu'on vous conseille) organisées deux fois par mois et c'est gratuit... tout comme la BD réalisée pour l'expo, qu'on vous file avant ou après votre visite. Oui, tout est gratuit.