De l'exil à la table lilloise : comment David est passé du journalisme de guerre à la street-food du Caucase

Pas mal d'ex-reporters vous le diront : on n'arrête jamais vraiment de faire du journalisme. Même après une reconversion professionnelle, ce métier reste dans la peau, même quand on ne le fait plus. David en est l'exemple parfait.

De 1996 à 2000, l'homme originaire de Géorgie a été journaliste reporter d'images (JRI) entre la Géorgie et la Tchétchénie. Aujourd'hui, c'est un restaurateur qui régale les Lillois·es avec sa street food natale. Et si la cuisine est au cœur de sa nouvelle vie pro, son envie d'informer est toujours intacte. "En parallèle du restaurant, j'aimerais interviewer des réfugiés du Caucase qui ont réussi dans leur vie malgré l'exil, sans pour autant avoir oublié leurs racines", déclare-t-il. Interroger des personnes comme lui en somme, qui ont du fuir pour survivre. 

Informer pour la liberté

On vous fait un point contexte. En 1991, l'URSS s'effondre et le président tchétchène de l'époque, Djokhar Doudaïev proclame l'indépendance de son pays devenant alors un "État souverain démocratique". Autant dire que ça ne fait pas plaisir à la Russie qui fait tout pour le forcer à changer d'avis, en vain. Alors en 1994, elle sort les forceps, les chars et les troupes. La première guerre est déclarée et dure jusqu'en 1996. 

À ce moment-là, David est étudiant à l'université. "Et en même temps que mes études, j'étais JRI pour TV Marsho". Une chaîne d'info indépendantiste (dont le nom veut dire "Liberté") bombardée en 1995, mais qui a continué à diffuser ses programmes dont celui du désormais Lillois. "J'avais créé une émission "Le Caucase vu par les jeunes" qui était très populaire. Je faisais rencontrer l'ancienne et la nouvelle génération sur les conséquences de la guerre, les traditions et coutumes, etc."

Mais l'instabilité règne jusqu'en 1999, date de la seconde invasion russe. "C'était dangereux. Mon directeur a été assassiné et mon caméraman tué par un sniper. On a fui la capitale et on a traversé les montagnes à cheval pour rejoindre la Géorgie." Là-bas, David commence à réaliser un documentaire sur la guerre en Tchétchénie, à destination des Occidentaux. Un documentaire qui n'a malheureusement jamais vu le jour. "Je partais en Tchétchénie pour filmer la guerre. Le problème, c'est qu'en Géorgie aussi, c'était devenu compliqué. La Russie faisait pression sur le gouvernement géorgien pour réintégrer le pays à la Russie. C'était mortel pour moi."

Le début de l'aventure lilloise

À nouveau, il quitte son pays en 2003, mais cette fois pour rejoindre l'Europe de l'Ouest. En France, il devient maçon et rénovateur d'anciens bâtiments, églises et cimetières. Il faut attendre 2007, pour que David devienne Lillois. D'abord en bossant dans le milieu de l'industrie, puis en tant que propriétaire du Splin Bar rue Solférino, pendant dix ans. "J'ai ensuite repris des études de journalisme à l'université de Valenciennes et j'ai réalisé un autre documentaire qui a été acheté par une chaîne géorgienne. Mais vivre du journalisme c'est dur, et je n'ai plus l'âge de courir à droite à gauche, avec une caméra."

Et comme on lui disait souvent que la nourriture géorgienne était délicieuse, il décide d'ouvrir son restaurant Chez Duda à Marcq-en-Barœul en 2023, avec sa femme aux fourneaux. "Elle avait déjà de l'expérience dans la restauration en Géorgie". Vous connaissez la suite : David ouvre Duda's à Lille en 2025 où vous pouvez vous régaler d'une bonne cuisine du Caucase. De l'exil à la table lilloise, vous savez maintenant qui se cache derrière le restaurant de la rue Gambetta.