Flashback : Paindavoine, le géant industriel du fer lillois qui rivalisait avec Eiffel
Aurore Garot,
4 min de lecture
18 août 2025,
Flashback
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De la verrière de la Chambre de commerce à Lille au pont d’Onitsha au Nigeria, l’entreprise lilloise Paindavoine a réalisé bien des choses dans le coin et même au-delà du continent européen. On s'est plongé dans son histoire, son âge d'or et ses créations.
Si on ne devait choisir qu'une période pour vous raconter l'histoire de Lille, on choisirait les 19e et 20e siècles, sans hésiter. Car la capitale des Flandres en pleine Révolution Industrielle est passionnante. Et aujourd'hui encore, on peut voir un peu partout des traces de ce passé où les ouvrier·es travaillaient par centaines dans des usines construites dans tous les quartiers, à Fives, Moulins, Lille-Sud, Wazemmes ou encore Bois-Blancs.
Et si le textile était le premier fleuron de l'économie lilloise, le deuxième était la métallurgie. Dans les grandes entreprises du fer de Lille, on retrouve celle de la famille Paindavoine, qui faisait un peu concurrence à Eiffel.
Une entreprise florissante
L'aventure Paindavoine commence en 1860. Amédée Pierre fonde son entreprise avec sa femme et ses deux fils Gustave et Amédée Adolphe. Ses spécialités : la construction de ponts et de charpentes métalliques. Et ça marche bien. En 1906, on leur propose même de faire la verrière et le beffroi de la Chambre de commerce (qui était à l'époque une nouvelle bourse). En 1912, la société décide même de s'agrandir en achetant l'un de ses concurrents, la Société Merveille.
Aujourd'hui, une rue parallèle à la rue Berthelot, porte le nom de Paul et Elisée Paindavoine,
Vous devinez la suite, la Première Guerre mondiale explose à la face des Lillois·es (littéralement, à cause des bombardements) et les deux usines Paindavoine, rue des Meuniers et boulevard de Belfort sont détruites. L'un des fils, Amédée Adolphe meurt. Son frère Gustave, avec l'aide de ses neveux (Paul Emile et Elisée), reconstruit l'usine de la rue des Meuniers en 1919, et l'inauguration de la nouvelle bourse a enfin lieu en 1921.
De quoi motiver la famille à voir encore plus grand. Entre 1920 et 1923, elle construit une usine moderne sur un terrain de 10 hectares, rue Berthelot à Lille-Sud. On y trouve notamment quatre ateliers principaux équipés de 25 ponts roulants, d'un château d'eau, mais aussi d'une coopérative d'achat du personnel, d'un stade de foot et de dizaines de jardins ouvriers sur 3 hectares. Avant sa chute en 1965, 800 ouvriers y bossaient.
Des réalisations partout dans le monde
Quand on vous dit que les Paindavoine ont fait concurrence à Eiffel, ce n'est pas une vanne, même si ok, elle n'a pas fait la tour Eiffel ou la statue de la Liberté.
En plus de la Chambre de commerce, elle a aussi fait la carcasse en métal (400 tonnes assemblées en 6 semaines) du bâtiment de La Voix du Nord sur la Grand Place, le pont hydraulique à l'entrée de Tourcoing, la salle du Grand Palais de l'ancienne Foire commerciale de Lille (la plus grande d'Europe à l'époque), le pont de Dourges, et bien d'autres encore dans la région.
Le pont hydraulique à l'entrée de Tourcoing. @Alexis Christiaen (Pib) - La Voix du Nord
À Paris, on peut aussi citer la charpente métallique de l'immeuble Art déco du 37 rue du Louvres, aujourd'hui classé monument historique, et qui a été le bureau de pas mal de titres de presse comme l'Humanité, le Figaro, Paris-Match, etc.
Après la Seconde Guerre mondiale, les Paindavoine continueront à se développer, notamment en exportant leurs ponts et engins de levage en Russie, Roumanie, Vietnam, Iran, Equateur, Indochine et sur le continent africain. En 1948, l'entreprise remporte un appel d'offres du Ministère d'Outre-Mer pour réaliser une quarantaine de ponts dans les anciennes colonies françaises.
La chute mortelle
La fin de l'entreprise familiale est arrivée en un claquement de doigts. Au Nigeria, les Paindavoine réalisent le Pont d'Onitsha, sauf que ce dernier est détruit en 1964 pendant une guerre. Et manque de bol pour la famille, la France ne soutient pas le Nigeria, alors le pays africain refuse de payer la société... qui n'est pas assurée et se retrouve avec un trou colossal dans ses comptes. 500 personnes sont licenciées et l'entreprise dépose le bilan en 1965.
Le Domaine Paindavoine se situe toujours dans la rue Berthelot.
Jacques Paindavoine, l'héritier, va régler les dettes, vendre le matos, les stocks, les machines. La ville de Lille va exproprier l'entreprise de 50% du terrain. Jacques va se lancer dans la location d'entrepôts et de bureaux pour que le reste ne finisse pas en friche mais en 1998, la société Paindavoine est vendue. Les vestiges de l'usine sont rasés sauf un bureau, toujours sur la rue Berthelot qui accueille la société Mémoire de Pierre qui conserve les archives de la famille.