Sous les escaliers de la gare Lille-Europe, une chaise dépliante, un petit meuble en bois et une silhouette chaleureuse qui salue les passants et passantes. Depuis janvier 2024, François Ponche redonne de l’éclat aux souliers des voyageur·euses pressé·es. Un métier à l’ancienne, qui intrigue autant qu’il séduit.
De la mécanique au cuir : un parcours atypique
Originaire d’Amiens, François a passé 36 ans dans sa ville natale avant de poser ses valises à Lille. À 55 ans, il a déjà eu mille vies : "J’ai été cuisinier, vendeur de disques, de chaussures, j’ai même travaillé la couture", énumère-t-il avec un sourire. Une curiosité insatiable, qui l’a toujours poussé à se lancer dans de nouvelles aventures : "J’ai les convictions donc je fais", résume-t-il.

La chaussure, elle, l’accompagne depuis longtemps. "J’avais décidé il y a 30 ans de prendre soin de mes bottes. J’ai pris goût à l’entretien et ça m’a passionné", raconte-t-il. Cette passion sommeille, puis resurgit il y a deux ans presque sur un coup de tête : "Un jour, je ne sais pas ce qu’il m’a pris. J’avais vu des cireurs dans les films, les séries américaines… J'ai aussi bossé pour la maroquinerie Cloé il y a quelques années alors j'ai voulu reprendre ça."
Cireur de gare, un métier rare mais pas oublié
En bas des escalators de Lille-Europe, François s’est taillé une petite place dans le décor. Chaise haute pour les client·es, tabouret pour lui, produits soigneusement rangés… "J’ai démarré avec une chaise et une mallette, en auto-entrepreneur, et ça s’est fait comme ça", explique-t-il. Il y est du lundi au vendredi de 6h30 à 9h.

Chaque prestation dure environ dix minutes et commence toujours par une discussion. Le tout pour 8 euros minimum (et après les prix varient selon la chaussure). "Je nettoie, je cire, je lustre… je peux aussi faire du glaçage, de la teinture, de la patine, sur du cuir lisse ou du nubuck.", détaille-t-il, avant de prononcer son slogan : "Pour une élégance toute en brillance !".
Pour beaucoup, ce métier semble sorti d’un autre temps. "On n’est pas un pays de service comme l’Angleterre", constate-t-il. Pourtant, sa clientèle a fini par s’habituer. "Au début, certains n’osaient pas s’asseoir. Maintenant, j’ai mes habitués, surtout des hommes, mais aussi quelques femmes. Ils me voient tous les jours, il y a une vraie confiance", se réjouit-il.
Un artisan qui aime parler autant que cirer
François ne cache pas qu’il fait ça par passion, plus que par raison : "C’est mon métier, mais c’est surtout une passion à la base", insiste-t-il. Et ce qui le fait vibrer, au-delà du cuir, ce sont les rencontres : "Comme j’adore discuter, je trouve les gens sympathiques. Il y a un lien qui se crée, on peut parler de tout en dix minutes. Parfois ça dure donc plus longtemps. Parfois on discute sans même que je ne cire".

Une boutique à Lille dès septembre
Le 15 septembre, François ouvre sa propre boutique au 3 rue des Deux Épées, juste en face du Printemps. Dans ce petit espace de 9 m², il veut recréer l’ambiance de la gare : "Je vais faire comme là-bas, mais au magasin, avec ma chaise et mon bureau", explique-t-il.
Au programme : cirage de chaussures, mais aussi entretien de maroquinerie et même de vêtements. Il vendra également les produits qu’il utilise au quotidien : cirages, crèmes, brosses, embauchoirs et coffrets de la marque Saphir. Et ce n’est qu’un début : "Je suis en train de voir pour développer la maroquinerie pour hommes, ceintures, portefeuilles, et, par la suite, j’aimerais bien aussi proposer des articles pour femmes", confie François. Son objectif ? "Mettre en avant le savoir-faire des artisans".
Même avec l’ouverture de sa boutique, François ne délaissera pas son poste habituel : il continuera de faire briller les chaussures des voyageur·euses à la gare Lille Europe. On pourra aussi le croiser sur le marché du Vieux-Lille.
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